Mes jambes sont trop petites, les tibias me tirent et cette sueur qui colle sous le manteau.
Un petit raisin blanc est semi-écrasé dans le velours de l’assise. Côté couloir. Trois arrêts; une nana toute habillée en noir veut s’assoir. Je bouge mes jambes sur le côté pour la laisser passer. Elle s’assoit, je ne dis rien. Je pense au raisin écrasé sous son cul.

J’ai toujours un goût métallique dans la bouche, quand on couche ensemble. Il est adorable, vraiment. Mais j’ai toujours un gout métallique dans la bouche quand on couche ensemble. Des malaises internes, bizarres, m’irradient de partout.
Il a une tristesse résignée de vieux garçon qui me calme grave. Le sourcil franc. Les yeux ronds, la paupière lourde et pourpre. La bouche pleine, finement étirée, cache des baisers dans ses commissures. Le nez sort du visage, se termine en pointe timide et rosée.

Deux de mes doigts, l’indexe et le majeur, sont serrés dans sa main. La paume est moite et tout son corps et son visage sont tournés vers l’ailleurs.
Mes parents sont assis dans le jardin bien vert. Mon père lève la tête et me sourit. Il me dit qu’il en a marre de vivre. Ma mère est assise à côté et acquiesce en hochant la tête sans lever les yeux de son téléphone. Elle joue encore à un jeu. Un dernier hoquet et elle meurt.


Des petits regards par en dessous, coincés entre les cils et les joues. Tes silences, tes tiques. Il eut un geste de tendresse que j’étouffai aussitôt, le serrant dans une accolade. Un liquide noir et sucré me frappe aux dents. Ses petits yeux intelligents scrutent le paysage :
«Vous avez la cuisse chaude.»


Un pas fait suivre le poids entier du corps et s’écrase. La tension s’étire, se relâche à nouveau sur le sol. Des inspirations du creux du ventre, un souffle rauque. La face, boursouflée, se crispe et se défait en une grimace suppliée. Chaque geste est épuisant. Et chaque soupir est là pour montrer qu’il avance avec peine, mais qu’il avance, le con.
Moi, je baisse la tête. Et je tiens mes distances, je bouge très peu. Ces mouvements, si suggestifs à mon sens ne devraient surtout pas être complétés par les miens. Seulement je marche et, même si je baisse les yeux, je sens. Mais je me refuse d’y penser. Je sens mon jeans ou mes cuisses qui se frottent, je sens le tissu et cet interstice que personne ne devrait voir.

Même si je tire mon jeans pour qu’il soit moins serré.

Son souffle se colle sur mes pensées et j’ai envie de me griffer la peau. J’ai envie qu’il n’existe pas ou qu’il existe autrement. J’ai envie qu’il ne s’arrête pas à ce moment précis, où je suis entre lui et le mur. Mais c’est ce qu’il fait. Il arrête sa marche lourde. Et moi j’ai peu d’espace pour avancer et c’est mon bras, ou n’importe quelle partie de moi qui, pour me retirer, frôle ce souffle et ce ventre qui va éclater.

Les yeux engoncés dans mon visage, ma mère balaie ça d’un souffle.
Racle-moi cette graisse qui s’accroche à mon ventre.

Une proposition de Léah Friedman